Suite de l’interview de Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche d’Alliance Vita, auteur du livre Bébés sur mesure, le monde des meilleurs.
Corpsféminin.com : La Gestation Pour Autrui (GPA), est-ce vraiment altruiste ?
Blanche Streb : Altruiste ne veut pas dire éthique. Cette pratique est très grave, elle entre dans un marché procréatif mondialisé qu’on peut largement qualifier de régression pour l’humanité, voire d’ « esclavagisme moderne ». Pour la philosophe Sylviane Agacinski, « Parler de GPA éthique, c’est aussi absurde que de parler d’esclavage éthique »… La GPA n’est ni plus ni moins qu’une convention par laquelle une femme s’engage à devenir enceinte et à accoucher d’un enfant qu’elle remettra dès sa naissance à des commanditaires. C’est une mainmise sur le corps et le psychisme féminin. C’est une négation de l’importance de la grossesse dans la construction d’une personne. Et c’est un abandon programmé d’enfant, en somme, un préjudice qu’on lui impose, et que cela soit gratuit ou payant ne change rien au problème…
Corpsféminin.com : Allons-nous vers un « avenir sans sexe » où la fabrication des bébés serait confiée à des experts ?
B. S. : C’est une possibilité que j’expose dans mon livre, en effet. Allons-nous vers « un avenir sans sexe », où la fabrication des bébés, coupée de toute relation sexuelle, serait confiée à des experts ayant accès à des banques de gamètes, maniant des gamètes artificiels et des cellules-souches, les sélectionnant et les combinant en éprouvette après quelques savants calculs ou algorithmes, et où le sexe ne serait plus réservé qu’à la jouissance ? Protéger notre droit de faire nos bébés sous la couette, voilà peut-être la prochaine révolution sexuelle qu’il nous faudra mener !
Corpsféminin.com : En quoi l’acceptation de ses limites peut-il devenir une libération ?
B. S. : Notre corps n’est pas notre ennemi. L’horloge biologique non plus, elle fait partie de notre vie. On voit trop souvent notre corps et nos limites comme des contraintes, cela fait le lit de l’idéologie transhumaniste. Nous sommes tous limités, même vulnérables, à différents moments de nos vies, en tout cas au début et à la fin de manière certaine. On finit toujours par s’en rendre compte, et c’est encore plus difficile si on l’a occulté ou nié toute sa vie ! Je crois qu’en acceptant cette donnée, on compose mieux l’harmonie de sa vie qu’en la rejetant.
Enfin, dans la procréation humaine, je vois un vrai danger pour notre liberté à ne plus concevoir les bébés que programmés et triés, en se coupant de l’imprévisible et de l’accueil de la vie, de toute vie, telle qu’elle se présente, pour ce qu’elle est…Recevoir l’autre comme un don favorise la capacité de se recevoir soi-même tel que l’on est, avec nos fragilités et nos talents reçus de la nature, du hasard ou plutôt de Dieu ! C’est garder à l’esprit aussi que tout cela ne nous était pas dû, et se mettre dans une humble posture intérieure de gratitude, l’un des secrets les plus utiles au bonheur.
Corpsféminin.com : Sans éthique, sans bioéthique, vers quel homme, vers quelle femme s’achemine-t-on ?
B. S. : Je ne lis pas l’avenir… mais nous pouvons nous inquiéter de certaines dérives de notre époque. Certains nient la réalité biologique d’être un corps d’homme ou de femme, d’autres travaillent à reconnaître un statut au robot ou à l’animal tout en niant de plus en plus la spécificité et la dignité humaines… sans éthique, sans bioéthique….ajoutons aussi sans morale et sans transcendance à cette problématique…. Le pape François a très récemment dénoncé « les apparents « droits » humains qui sont totalement orientés vers l’autodestruction de l’homme et qui ont pour unique dénominateur commun une seule et grande négation : la négation de la dépendance à l’amour, la négation que l’homme soit une créature de Dieu (…). Aujourd’hui, de fait, plus que jamais, s’offre à nouveau cette même tentation du refus de toute dépendance à l’amour, à l’exception de l’amour de l’homme pour son propre ego, pour le « moi et ses caprices »; et, par conséquent, le risque de la « colonisation » des consciences par une idéologie qui nie la certitude fondamentale selon laquelle l’homme existe comme homme et femme et que leur sont confiés la tâche de transmettre la vie. Cette idéologie conduit à la production planifiée et rationalisée d’êtres humains et amène – peut-être même dans une finalité considérée comme « bonne » – à estimer logique et licite d’éliminer cela qui n’est pas considéré comme déjà créé, donné, conçu et généré, mais fait par nous-même ».
Sans transcendance, sans « bien ni mal », l’homme se prend de plus en plus pour Dieu. La tentation du bébé sur mesure conduit l’homme à dépasser le statut de « procréateur » pour devenir « créateur » de la vie…
Corpsféminin.com : L’absence d’enfant dans le couple est une souffrance sans nom ! Pourquoi refuser de soulager cette souffrance terrible de ses parents qui parfois en viennent à se séparer ?
B. S. : Cette souffrance est immense, c’est évident. C’est pourquoi nous devrions mettre en place de réelles politiques de prévention et d’information. L’infertilité est une préoccupation majeure de nos sociétés industrialisées et polluées. Trop souvent, nous prenons les problèmes à l’envers… Travaillons à la prévention, et cessons de proposer un modèle de société dans lequel l’âge des premières grossesses ne cesse de reculer, minimisant de plus en plus les chances de procréer naturellement. Mais il ne faudrait pas voir l’infertilité comme seule cause de souffrance ou de séparation. Des couples infertiles ou stériles restent soudés, malgré l’immense souffrance, et continuent de se tenir la main toute leur vie. De beaux témoignages existent. Leurs fécondités de couple et personnelles se déployant autrement que par la maternité et paternité biologique. Et malheureusement, des couples ayant eu des bébés par PMA se séparent parfois quand même, car la blessure, bien que contournée, reste. Par ailleurs, et c’est difficile à croire, mais il y a aussi des avortements de bébés issus de PMA. Les cœurs peuvent être chahutés, les projets changés et les couples explosent car le difficile parcours de PMA fragilise leur relation. Et le mode de conception n’entre pas en ligne de compte dans une demande d’IVG, qui ne peut bien sûr pas être refusée… La procréation humaine est menacée. Or, c’est l’un des attributs les plus beaux de notre condition, la seule fonction qui se vit à deux, dans l’altérité, la seule qui transforme l’amour en vie. Protégeons-la !
Pour aller plus loin : Bébés sur mesure, le monde des meilleurs, Artège, 2018 (sur Amazon)
Commentaire (1)
26 février 2020 at 12 h 23 min
Très bel article et plein de bon sens que certains semblent parfois avoir totalement perdu !
Corinne,ancien médecin chef de service.